Les formes idéales de Poliakoff


Publié par la Gazette Drouot

Cette composition abstraite de Poliakoff arrive pour la première fois en salle. Elle est datée de 1956, année millésime pour le peintre qui expose alors aussi bien à Paris qu’à l’étranger.

L’œuvre est inédite sur le marché. Acquise auprès de l’artiste en 1956 par un amateur d’art discret, elle est restée dans sa descendance jusqu’à aujourd’hui. Au centre, une touche de jaune et de rouge fonctionne comme un point central faisant éclater les nuances de gris-bleu autour. L’œuvre se construit couche après couche, vivant de ses repentirs sur lesquels vient buter la lumière : en savant alchimiste de la matière, le peintre tire parti des nuances de rouge qui transparaissent derrière les strates de bleu. À la manière d’un mosaïste, Poliakoff travaille ses formes comme des tessons de couleurs qui s’imbriquent, à la recherche du juste équilibre. Jean Lassaigne écrit, en 1957, au sujet des expositions à la galerie Creuzevault (peintures) et la galerie Berggruen (gouaches) : « Poliakoff a le goût des matières superbes qu’il pose par couches successives s’enrichissant l’une l’autre ; il semble qu’il accorde une importance de plus en plus grande à la touche qu’il pose en éventail autour d’un centre. » Bien que proches des artistes parisiens, surtout des Delaunay et de Kandinsky, Poliakoff évolue en dehors des systèmes et des groupes. Il se lance dans une quête très personnelle de la forme idéale de la couleur, prônant un chromatisme contenu, dépouillant sa palette pour ne garder que des camaïeux ocre, beige, bleu, gris, soutenus par des tracés abrupts. On sent poindre cette organisation des formes dès 1949, dans Orange et cyclamen : un modelé central tient la composition, divise ou resserre les formes autour, créant une dynamique proche de la composition musicale. Avant d’être peintre, Poliakoff fut musicien. Pour reprendre les mots de Dominique Cagneux, lors de la rétrospective en 2014, au Musée national d’art moderne de Paris : « C’est une symphonie. » Poliakoff va habilement élaborer des variations sur une même composition, assembler les couleurs comme on assemble des notes de musique. Étiqueté peintre de la nouvelle école de Paris, il est de cette deuxième vague d’artistes abstraits, plus exposée, mieux acceptée. Cette année 1956 est, comme l’écrit le critique d’art Julien Alvard dans la revue XXe siècle, une année millésime, l’artiste profitant d’une popularité grandissante. Deux ans plus tard, en 1958, notre Composition abstraite 56-84 est accrochée à la « Pittsburgh International Exposition », organisée au Carnegie Institute. En France, il ne s’écoulera qu’un an après sa mort avant que ne soit organisée, en 1970, sa première grande exposition au MNAM de Paris, où fut également montrée notre huile. Elle n’a, depuis, plus été vue, sauf dans les deux catalogues de ces expositions dans lesquels elle est reproduite.


Serge POLIAKOFF (1900-1969)
Composition abstraite 56-84, 1956
Huile sur panneau, 97 x 130 cm. 
Estimation : 200 000 / 300 000 €

VENDREDI 29 MARS, SALLE 6 – HÔTEL DROUOT.
TESSIER & SARROU & ASSOCIÉS OVV. M. SCHOELLER.